jeudi 15 janvier 2009

Et si l'opération "Plomb durci" plombait la politique d'Israël ?

Curieusement, alors que les Israéliens entament le 20ème jour d'opération "Plomb durci" dans la Bande de Gaza, que leurs bombardements ne cessent de faire pleuvoir une mort génocidaire sur les Palestiniens dont quelques nids de roquettes résistent encore, déjà les questions politiques commencent à (re)circuler de-ci, de-là. Or plus le temps passe, plus la pression de Tsahal sur Gaza se fait sentir. Après un très lourd bilan d'une opération militaire largement réprouvée par la communauté internationale, avec plus de 1000 Gazaouis tués et plus de 5000 bléssés, Israël tout en accentuant encore sa pression militaire, discute en Égypte les conditions d'une trêve. "Israël veut une accalmie durable assortie d'une absence totale de tirs hostiles en provenance de la bande de Gaza et un mécanisme efficace pour empêcher le Hamas de réarmer", a rappelé Mark Regev, porte-parole du Premier ministre Ehud Olmert. Pourtant, nombreux sont les observateurs qui estiment que le cessez-le-feu est proche.
Si les spécialistes s'interrogent d'ores et déjà sur le calendrier de fin d'intervention, tous cherchent aussi activement les motivations profondes de cette opération et se questionnent sur l'avenir que cette énième intervention militaire dessine et réserve aux uns comme aux autres. Selon un bon nombre d'observateurs de la planète et de cette partie du monde, cet affrontement et sa violence toute disproportionnée en tant que réplique à des tirs sporadiques et énervants, sont avant tout les conséquences logiques d'une vacance du pouvoir américain comme du temps d'adaptation de la nouvelle présidence européenne, pour d'autres c'est l'approche des élections législatives en février prochain en Israël qui reste l'une des motivations essentielle du coup d'envoie de l'opération.
Sans vouloir, pour autant, transformer ces élections en une cause définitive de l'opération "Plomb durci", tous les responsables politiques israéliens et observateurs étrangers sont obligés d'en tenir compte. Il est évident qu'une opération militaire – et quelque soit son issue et ses conséquences – a toujours des interactions sur la politique interne et le comportement du corps électoral. Reste, bien entendu à imaginer ces différentes conséquences.
Aujourd'hui, selon toute vraisemblance et d'un point de vue strictement militaire (mais observé du côté israélien) l'opération "Plomb durci" se déroule selon les plans imaginés par les militaires et les membres du gouvernement de Ehoud Olmert Premier ministre membre de Kadima, d'Ehud Barak ministre travailliste de la Défense et de la ministre des affaires étrangères Tzipi Livni, chef du parti Kadima. Même si les tirs de roquettes en provenance de la Bande de Gaza, voire du Sud Liban n'ont pas totalement cessés, les Israéliens semblent avoir remporté leur succès, atteint leurs objectifs. Et pour l'instant aussi, il ont trouvé l'appui de la population qui soutien très majoritairement le gouvernement et défend ses options, malgré le rappel des réservistes.
Ainsi, d'un point de vue strictement politique, "Plomb Durci" est un vrai succès intérieur. Succès que le jeune parti Kadima et ses alliés, les Travaillistes peuvent s'arroger. Et ce ne sont pas les derniers sondages qui vont démentir cette tendance, puisqu'au sein de la Knesset, les Travaillistes gagneraient 6 sièges (17 sièges contre 11 actuellement), le Kadima. se retrouverait presque à égalité avec le Likoud (27 sièges contre 29). A la faveur de cette intervention, les députés de Kadima ont donc su manœuvrer intelligemment en apportant leur soutien au gouvernement qu'ils dirigent. Seul le Likoud de Benyamin Netanyahu semble, pour l'instant, rester un peu en arrière, dans une position attentiste ce qui expliquerait qu'il fasse les frais de l'opération.
Bien entendu le résultat de ces sondages, réalisés au début d'hostilités déclenchées par l'état hébreu et qui faisaient suite à la rupture de la trêve du 14 décembre par une série de tirs de roquettes sur la frontières entre la Bande de Gaza et Israël, ne sont pas très significatifs car l'issue de cette opération reste encore indéterminé.
Il suffirait, par exemple, que l'opération soit prolongée dans le temps ou que le nombre de morts et de blessés augmente sensiblement dans les rangs israéliens ou encore que les tirs de roquettes recommencent, pour que l'on assiste à un revirement de l'opinion israélienne. Une opinion qui ne comprendrait pas que ces dirigeant se soient fait gruger par le Hamas ou l'opinion internationale et qui donnerait alors raison à Benyamin Netanyahu, le leader du Likoud. Aujourd'hui, si ce dernier préfère jouer les observateurs c'est qu'il sait combien il a à perdre et qu'un revirement de la situation ne tient pas à grand chose. Il sait aussi qu'en devenant un succès l'opération "Plomb durci" sera totalement attribuée au Kadima et aux Travaillistes et qu'il aura du mal à (re)trouver un électorat, même s'il a officiellement soutenu cette action. A contrario, si cette opération ne rencontre pas le succès escompté par le gouvernement, il pourra tirer les marrons du feu et clamer sur tous les toits que le fiasco est personnel au Premier ministre et ses alliés et que lui seul aurait été à même de mener Israël sur le chemin de la Victoire.
C'est que l'opération "Plomb durci" représente des enjeux divers et contradictoires. Au-delà des enjeux électoraux il est important que responsables politiques et militaires israéliens, effacent aussi le semi-échec de 2006 lors de l'intervention au Liban. Voilà pourquoi, cette fois, ils ont besoin d'aller au bout de leur logique guerrière et politique afin d'apporter la preuve au monde et aux Palestiniens qu'ils avaient raison en 2006, comme aujourd'hui ils ont eu raison de déclencher l'opération "Plomb durci". Mais, à la différence de 2006, aujourd'hui, la conjoncture internationale était nettement en faveur d'Israël.
La période de vide laissée par la phase de transition aux États-Unis, l'approche des échéances électorales en Israël, le changement de présidence à la tête de l'Union Européenne, les annonces faites par Barack Obama – futur président des États-Unis – d'abandonner, à moyen terme l'Irak, ainsi que les dernières déclarations du Hamas sur la "fin du mandat de Mahmoud Abbas", tous ces éléments conjoncturels ne pouvaient se présenter qu'une seule fois dans l'Histoire. Voilà pourquoi Ehoud Olmert n'a pas hésité un instant. Faire oublier les rancœurs du semi-échec de 2006, réduire le Hamas au silence, asseoir son autorité mal menée cette dernière année dans l'opinion publique, tels étaient les objectifs du premier ministre et de son gouvernement.
Tels sont les explications qui peuvent aussi justifier cette intervention.
Cependant, pour toutes les parties concernées, l'issue de cette opération israélienne comme ses conséquences restent incertaines et pas seulement sur un plan purement interne et électoral.
En effet, rien ne garantie qu'en éliminant par la force le Hamas, en pulvérisant l'habitat de la Bande de Gaza, Israël se soit pas en train de transformer la Bande de Gaza en un Irak bis. Les conséquences d'une telle opération seraient alors totalement catastrophiques et il n'est pas certain qu'Israël soit prêt à en assumer les conséquences car ce n'était évidemment pas le scénario dans lequel Israël pensait s'engageait lors du démarrage de son opération "Plomb durci". Une situation qui obligerait alors Israël à exercer directement un contrôle sur le terrain, sous forme d'une nouvelle occupation, en faisant jouer à Tsahal le rôle de gendarmes pour s'interposer entre factions politiques ennemies. En agissant ainsi, Israël aurait alors à faire face à la pire des situation. Ainsi, réduire le Hamas au silence total, le chasser de la Bande de Gaza obligerait donc Israël à s'y substituer afin d'éviter à l'anarchie de s'installer et maintenir les portes largement fermées pour éviter à tous les groupuscules extrémistes, y compris ceux qui se réclament d'Al-Qaïda de venir y échoir. Une situation qui déclencherait certainement une nouvelle Intifada, animée alors par des éléments extérieurs et qui pourrait coûter très chère en vie humaines et autres actes de terrorisme. Outre cette situation dramatique pour la sécurité même de tous, le gouvernement serait obligé de maintenir ses corps d'armés et ses réservistes en armes, une éventualité impossible à défendre d'un point de vue électoral interne.
Ces conséquences et ce type de scénario ont-ils été totalement pris en compte lors de la mise en route de l'opération "Plomb durci" ?
Si l'on en croit ce qu'on peut en lire à travers les lignes des différentes déclarations issues du cabinet de Sécurité israélien, Tsahal n'a aucun objectif de renversement du Hamas. Selon toute vraisemblance, l'issue de l'opération devrait consister à attendre l'investiture du nouveau président américain, Barack Obama tout en rognant les ailes du Hamas, lui coupant ses bases populaires et le forçant à signer une trêve consolidée et durable.
Pour que le gouvernement israélien puisse exploiter positivement les résultats de cette opération dans ses enjeux électoraux il faut que le Hamas soit affaibli, suffisamment pour que la sécurité d'Israël soit renforcée et que l'OLP de Mahmoud Abbas puisse reprendre le contrôle de la Bande de Gaza et par là, peut-être, réenclencher le processus de paix, selon les derniers protocoles en dates. Or, si jusqu'à aujourd'hui le Hamas avait une posture intransigeante, il a aussi su montrer qu'il savait tenir ses troupes, lors des deux trêves qu'il y a pu avoir dans la Bande de Gaza, et par là qu'il était à même de "tenir le pouvoir et ses troupes".
Espérons pour les Gazaouis, que Tsahal et ses stratèges ne se soient pas trompés car l'on sait que la tactique israélienne est de combattre jusqu'à l'ultime minute pour conserver l'avantage à la force militaire. Il malheureusement certain que ce nouvel épisode de guerre entre Palestiniens et Israéliens ne soit qu'un épisode dramatique de plus pour cette région, prélude à d'autres affrontements de vengeance ou de renforcement de la sécurité des territoires.

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