jeudi 22 janvier 2009

Armes à l'uranium appauvri : avoir confiance ou pas dans l'expertise de l'AIEA ?

Après l'instauration d'un cessez-le-feu dans la Bande de Gaza, alors que les Gazaouis errent, hébétés, à travers des champs de ruines, les polémiques enflent et grondent à travers le monde : Israël n'aurait pas hésité à faire usage d'armement à base d'uranium appauvri métal.
Pour couper court aux polémiques qui s'instaurent, avoir le cœur net et la conscience un peu plus tranquille, les nations arabes, par l'intermédiaire de l'ambassadeur d'Arabie Saoudite, le prince Mansour Al-Saud, ont demandé officiellement et par voie épistolaire, que l'AIEA (Agence Internationale pour l'Energie Atomique) qui une agence dépendante de l'ONU, ouvre une enquête et mène une expertise sur le terrain.
Cette saisine n'a toujours pas entrainée le moindre commentaire de la part du Cabinet de sécurité israélien.
Une mission normale pour l'AIEA.
C'est bien une mission d'expertise normale pour l'AIEA et qui entre totalement dans ses attributions. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que cette agence est « réquisitionnée » pour mener une enquête de la sorte sur pareil sujet. Oui, mais justement, comme ce n'est pas la première fois, les observateurs restent particulièrement vigilants quant aux conclusions qui vont être publiées par l'AIEA.
C'est que jusque à aujourd'hui, l'AIEA n'a jamais réussi à convaincre quiconque que les armements à base d'uranium appauvri (pour ne parler que d'eux) ne seraient pas plus particulièrement nocifs pour le corps humain et la nature que de « simples armes conventionnelles ». Telles sont les thèses toujours défendues et en vigueur au sein des équipes d'experts de l'AIEA.
Étonnant ? Pas tant que çà. Il faut dire que confier à des spécialistes au langage abscons, des enquêtes sur un monde scientifique particulièrement secret, souvent couvert par le « confidentiel défense », relève de la gageure et demande la mise en œuvre d'une éthique plus rigoureuse que celle prônée par les premiers moralistes. Et bien entendu, les dits experts de l'IAEA n'ont jamais fait montre d'un tel raffinement. C'est qu'il faut dire (à leur décharge) qu'ils sont au centre d'enjeux qui souvent les dépassent et dans lesquels ils jouent tantôt d'un côté le rôle d'expert tantôt d'un autre, le rôle d'expertisé.
Comment, des scientifiques, peuvent-ils penser pouvoir être juges et parties, expertiser leurs propres confrères et souvent devoir manipuler des documents ultra sensibles pour la défense nationale ou l'indépendance énergétique et les secrets industriels ? A priori, cela ne devrait même pas être évoqué car totalement inconcevable. Mais pas pour l'AIEA...
Les premières expertises conduites sur l'armement à base d'uranium appauvri métal (UAm), menées par l'AIEA, date de 1991/92, après la 1ère guerre du Golfe. Là, entre le sud de l'Irak et le Koweït, les armées américaines et anglaises ont reconnu avoir tiré plusieurs milliers obus, balles, missiles usinés dans de l'UAm. Selon les chiffres recueillis par l'AIEA auprès des différentes états-majors d'alors, le nombre des munitions contenant de l'UAm était de 860 607 pour un poids d'environ 286 tonnes d'uranium … Pour mémoire, la bombe d'Hiroshima avait un poids de 4 500 Kg (4 tonnes et demi), soit 64 fois moins de puissance que la totalité de cet armement.
C'est à cette occasion que le monde entier (enfin, ceux qui suivaient ce dossier) ont découvert l'utilisation de ce tout nouveau métal comme armement offensif...
Déjà, l'importance des chiffres ne pouvait laisser personne indifférent. Au contraire, cette importance aurait du mettre en alerte les responsables qui auraient, dès lors, pu être particulièrement vigilants quant aux principes de précautions, si chèrement défendus dans notre société au point de l'inscrire dans notre Constitution.
Surtout lorsque, comme l'AIEA, l'on connait les dangers de l'uranium...
L'uranium appauvri, un déchet industriel...
L'uranium est un minerai naturel constitué de 3 composantes ou isotopes (U238, U235 et U234). A l'état naturel, 99,28% des isotopes sont de l'U238, le « reste », c'est malheureusement de l'U234 et 235 qui justement sont les isotopes recherchés par les industriels et les militaires pour leurs différentes qualités énergétiques et de fission. Et ce ne sont que ces « restes » que les industriels vont utiliser, jetant alors 99,28% du produit, allégé des isotopes « utiles ». Voilà pourquoi les spécialistes dénomment ce déchet, uranium appauvri. Mais appauvri en U234 et 235, cet U238 émet en permanence des radiations d'ondes Alpha, Bêta et Gamma à raison de 87,5 Bq/mg (Becquerels par milligrammes, c'est à dire 87,5 désintégrations par seconde et par milligramme) et ce pour une demie-vie (durée) de 4,5 milliards d'années (soit l'âge actuel de la terre). A l'état totalement naturel et au moment de son extraction, l'U238 n'a qu'une radioactivité de 12,44 Bq/mg.
Déchet industriel dangereux, l'uranium appauvri l'est d'autant plus que les industriels souvent utilisent de l'uranium issue directement du cycle de fusion, car le stockage coûte très cher. Le preuve ? Dans un grand nombre de cas, il a été trouvé (y compris par l'AIEA) un sous-produit de l'U238, totalement industriel, l'U236.
Lors de l'expertise au Koweït, la majeure partie des armement à base d'UAm (783 514 balles) étaient des balles de 30 mm (3 cm de diamètre, pesant 275 grammes d'UAm et ayant une activité radio isotopique de 10,1 millions Bq (soit 10 100 000 désintégrations de particules Alpha, Bêta et Gamma par seconde). Toutes n'ont pas atteintes les cibles (chars et véhicules...) seulement 10%... mais en pénétrant dans la cible, elles n'explosent pas ces balles, elles brûlent en répandant fumée et suie dans et autour de la cible. Une fumée et une suie microscopique, hautement radioactive et radio toxique car au contact de l'oxygène, l'uranium s'oxyde, se transforme et contamine tout ce que les isotopes d'UAm touchent... et pour des siècles et des siècles...
Pas besoin d'être grand clerc pour comprendre, dès lors, les dangers de ces armements... Pas besoin de sortir de Sciences Po' ou de Polytechnique et l'ENA pour comprendre que ces armes, quand bien même il n'y en aurait qu'une seule tirée, sont de véritables poisons pour l'humanité actuelle et à venir... Ceux qui, malheureusement, doivent subir de la radiothérapie, de longues séances de rayons savent combien de précautions nos médecins prennent pour eux, pour leurs personnels et pour leurs patients pour se rendre compte des dangers que l'uranium peut représenter...
Alors, quand l'AIEA, pond un rapport d'expertise où ces experts certifient que les armements tirés, ceux qui ont atteint leurs cibles et ceux qui se sont perdus dans la nature ne représentent que quelques « minimes » point chauds (hot spots), il devient totalement normal de ne pas les croire.
Voilà pourquoi, l'expertise de l'AIEA n'est pas une bonne solution...
Que cherche-t-on à prouver ?
Telle est aujourd'hui la bonne question que les citoyens du monde sont en droit de se poser.
Certains voudraient prouver l'innocence d'Israël dans cette « répression exercée à l'encontre du Hamas », d'autres voudraient le contraire, accusant Israël de « génocide » envers les populations civiles palestiniennes et les Gazaouis en particulier.
Et les politiques ? Que veulent-ils, les politiques ?
Ceux qui soutiennent inconditionnellement le Hamas, voudraient démontrer qu'Israël a bien commis une forme de génocide doublé d'un écocide.
Cela les arrangerait bien. Mais en même temps, bon nombre d'entre eux dépendent techniquement de la fourniture d'armements américains, dont ces nouvelles armes qu'ils accusent Israël d'utiliser contre leurs frères... dilemme. Dénoncer l'utilisation d'armements dont on peut se doter ou se taire et passer pour un renégat, un félon à la Cause. Dénoncer c'est aussi risquer de se fâcher avec un protecteur puissant (même s'il est en ce moment embourbé dans le cloaque de l'Irak...) mais après tout, ne cristallise-t-il pas les haines contre lui ? Ne fixe-t-il pas les terroristes contre ses forces en Irak et en Afghanistan, laissant les autres pays (royaumes et autres sultanats) à l'abri du terrorisme et permettant de mener de juteuses affaires, de faire fructifier les pétro-dollars ?
Prouver que ces armements, s'ils ont été utilisés, ne sont pas plus dangereux que des armements conventionnels est la seconde option, la seconde possibilité. Mais les politiques ne sont pas des crétins, et pas plus dans ces régions que dans nos démocraties occidentales. Depuis longtemps, ils fréquentent les meilleurs écoles, les grandes universités et ils ont des connaissances scientifiques comme nous en avons. Ils savent que l'uranium est une matière dangereuse, que ces armements sont génocidaires et écocidaires. Mais comment les dénoncer sans froisser les amis, ceux qui les fabriquent et qui, demain, pourraient vous en livrer ou venir vous aider à vous maintenir au pouvoir ?
Dilemme.
Alors, la meilleure des solutions passe par la demande officielle auprès de l'AIEA d'une enquête, pour ouvrir le parapluie, se mettre à l'abri. Pouvoir dire, nous avons fait la demande, accédant à la pression des Gazaouis et d'une partie de l'opinion et nous ne sommes pas responsables des conclusions de l'AIEA. Après tout, ce sont des savants, des atomistes dont le directeur de l'agence est un de nos frère. Alors, il ne peut pas leurrer les Gazaouis.
Il n'est même pas certain, que dans les salons feutrés et les couloirs des dernières rencontres internationales de Damas, Charm El-Cheik ou Doha il ne se soit pas murmuré quelques paroles amères quant à l'attitude du Hamas, fauteur de guerre, trouble fête et enfant terrible de la région. Comme il a du s'en échanger à propos d'Israël qui est en train de s'inviter à la table des exploitants de gisements de gaz... Et il n'est pas certain, qu'avec des mines de circonspection et des demi-mots, certains ne se soient pas réjouis de cette situation, loin de chez eux mais qui pourrait débarrasser la région d'un sujet ô combien épineux et totalement sans solution, aucune.
Rien que du politiquement incorrect qui ne se pense pas, ne se dit pas et s'écrit encore moins.
Et la Planète dans tout çà?
Ah, oui, la planète... mais qui, franchement dans ces hautes sphères, se préoccupe réellement de la Planète, de ces habitants et de leur avenir ? Hein... Qui ? Certainement pas ces gens là pour qui une guerre est une formidable machine à relancer l'économie, à faire du business... Pensez donc la firme américaine Boeing qui vend 1000 bombes pour un montant de plusieurs millions de dollars... une affaire en ces temps de crise financière, surtout qu'en moins d'un mois ils ont épuisés le stock et vont devoir le refaire... sans compter les autres armes... Comme disait le grand poète Jacques Brel « chez ces gens là, on compte, monsieur... » mais on ne compte ni les morts, ni les blessés, ni les futurs malades, difformes et autres enfants morts-nés. On ne compte pas l'eau polluée et contaminée, les plantes, les sols, l'air que nous respirons tous qui devient pollué et contaminé.
C'est que l'oxyde d'uranium appauvri n'a ni goût, ni odeur, ni saveur et qu'il est invisible. Pas vu, pas bu, pas respiré, pas avalé... et si demain vous avec un cancer, que vos enfants naissent avec des malformations congénitales ce ne peut pas être de la faute de ces armes, puisque l'AIEA l'a dit dans ces conclusions : l'uranium appauvri est « 40% moins contaminant que l'uranium naturel » (source AIEA).
Voilà ce que veulent certainement entendre les commanditaires de cette enquête. Voilà pourquoi ils se sont adressés à l'AIEA et pas à d'autres organismes, plus respectueux de l'éthique, de la planète et des problèmes que les Hommes sont capables et susceptibles de lui infliger, au grand dam des générations futures.

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